24 janvier 2020

Amérique du Sud #44 Uruguay


      C'est en voiture que j'entre dans le dernier pays du continent qui m'aura occupé pendant plus de trois ans. Le pont ne peut pas être traversé à vélo et c'est aidé des gars de la sécurité qui, me voyant plus de 20 minutes à attendre en vain, abordent les voitures pour moi.

Le conducteur est un père de famille d'une cinquantaine d'années, on parle des relations avec les gens sur le voyage et j'y fais part du fait que les personnes se dévoilent énormément et me confient des choses que parfois très peu de personnes de leur entourage ne savent. Je pense que sachant que quelques jours plus tard, nous ne serons plus en contact, cela permet de se libérer d'une sorte de jugement de l'autre.

J'y prends exemple sur le fait que j'ai beaucoup plus dit à des gens que j'aimais ma famille qu'à ma famille elle-même. Ça a l'air de le faire réfléchir et m'avoue ne pas être heureux dans sa vie. Il a une grande ferme avec un millier de vaches, beaucoup d'argent, mais beaucoup de responsabilités et ne profite clairement pas de la vie. Ça me touche surtout du fait que son fils est là, juste à côté. Je n'ose pas approfondir le sujet par gêne.

La Pampa uruguayenne


      Il fait finalement bien frais malgré la "chaleur insoutenable" que les gens me prévoyaient. Du vent favorable, quelques averses dans un paysage bien vallonné me faisant clairement penser à l'Aubrac...


Un Aubrac avec des Nindus 

Et des putois...

Si les paysages me semblent aveyronnais, la mentalité me paraît également s'en rapprocher. Adieu les grands coups de klaxons accompagnés de grands gestes pour me saluer (ou me faire dégager d'ailleurs) comme en Argentine ou au Brésil. Ici, c'est dans la discrétion la plus absolue que je traverse la Pampa, quelques conducteurs osent parfois me saluer en levant timidement les quatre doigts du volant mais pas beaucoup plus.

   Camping sauvage

Arrivé à Tacuarembó, c'est trois refus consécutifs lorsque je demande à mettre ma tente à côté de la maison des gens. Ils sont aimables, mais le portons de la maison est difficile à passer dans l'un des pays (voire le pays) le plus sûr d'Amérique du Sud.

Essayant de demander l'hospitalité chez les pompiers, Nestor m'annonce qu'ici ce n'est pas possible de dormir, ce sont des militaires et non des volontaires. Compatissant, il m'invite chez lui demain soir, 90 kilomètres plus loin sur ma route.

Les stations services semble, pareil, un peu réticentes, je finis par poser la tente pas loin de la route à me nettoyer aux lingettes pour bébé...

Les jours suivants se ressemblent, les paysages varient un peu pour devenir totalement plats et je dors souvent dans les campings municipaux des villages, gratuits, entretenus et pour le coup, souvent rejoint par des locaux curieux et bien généreux (c'est toujours l'Amérique du Sud !)

Levé de lune vu des rives du fleuve Cebollati

J'essaye d'amener le sujet du pourquoi, les gens sont plus distants que chez leurs voisins, la réponse est souvent lié aux histoires racontées dans les journaux télés... (réponse très européenne...)

Pour en revenir à Nestor, le pompier, je suis arrivé vers 16h, il n'y était pas, il avait vaguement averti sa sœur qui me dit où planter la tente. Vient sa maman, au courant de rien, totalement désemparé de voir un inconnu dans son jardin, j'ai senti un gros malaise même si on en rigolait ensemble le soir et elle a été clairement adorable !


Quelques jours plus tard, c'est sous un beau soleil que je me fais rattraper par un impressionnant nuage qui finit par m'engloutir littéralement dans une obscurité apocalyptique. Du vent favorable, très fort dont je profite jusqu'à l'averse, inévitable, qui me fera me réfugier sous un porche de ferme.

Un parfum de fin du monde...


Quebrada de los Cuervos



      25 kilomètres de détours aller, j'hésite jusqu'au dernier moment tant la route est compliquée. Une piste à moitié entretenue, un dénivelé de près de 300 mètres et puis, c'est pas le grand canyon qui m'attend au bout non plus...

Car maintenant, j'ai ma date de fin du voyage, même si je ne suis pas en retard sur mon planning, je ne dois clairement pas traîner. Si j'ai donc choisie de faire le détour, je décide d'aller au plus près du parc le soir même quitte à aller au camping. Il est 18h30, le camping du parc finalement fermé par manque d'eau, et un autre camping 3 kilomètres plus loin me demande 8€ alors qu'il est plus de 19h. La gérante, me voyant faire la tronche, baisse directement à 4€, je suis fatigué, ça m'agace de ne pas dire le bon prix dès le départ et je grommelle m'enfuyant sur mon vélo en direction d'un ruisseau aperçu sur la carte, un kilomètre encore plus loin.

C'est finalement bien que se termine l'histoire, tranquille, sous un petit pont dans un endroit bien charmant.


Viendront dans la soirée, la proprio et ses vaches, pas surprise de me voir et deux rangers récupérant l'eau pure du ruisseau avec qui je discute également.

Les gardes du parc que je retrouve le lendemain matin, après la marche jusqu'au fond de la vallée. Ils me conseillent une route à prendre pour rejoindre la côte.




C'est donc vers Chuy que je me dirige, sur une petite route où je me fais la remarque suivante : elles ont été rares les routes asphaltées sur lesquelles il n'y a quasiment personne. Le pays a un réseau relativement bien entretenu comparé aux autres pays d'Amérique du Sud et est clairement plus riche même si les gens galèrent quand même financièrement. Plus d'un euro le kilo de riz, les prix des produits de première nécessité me semble même plus cher qu'en France pour un salaire minimum de 350 euros !

La côte Uruguayenne

      C'est après avoir refusé un stop que j'arrive enfin à Chuy. Je me suis un peu détesté à partir du moment où le vent à tourné pour m'arriver dans la face mais je suis dans les temps pour mon rendez-vous de demain un peu plus bas sur la côte.

Chuy est une ville bien bordélique et pour cause, l'avenue principale fait office de frontière, à gauche le Brésil, à droite l'Uruguay. Je ne traîne pas, ne me sens pas spécialement alaise et continue jusqu'à La Coronilla.

Le lendemain, c'est à l'entrée du parc de Santa Teresa, que je retrouve Mathieu.

On s'était rencontré la première fois en Australie, à cueillir des raisins, il y a 7 ans. Nous avons gardé contact via Facebook. Il a travaillé à l'hôtel de Mendoza l'année antérieure à la mienne et m'avait donné le contact de Nacho, proprio de l'hôtel.

On décide de rester au camping du parc, c'est clairement pas des paysages de ouf mais c'est quand même un lieu sympa de retrouvailles...




Le soir, après avoir mangé, nous allons près d'un feu ou des gens jouent de la musique. On arrive, les mains dans les poches, les gens nous invitent à nous asseoir. On discute beaucoup, Mathieu les accompagne à la guitare, buvons quelques bières et mangeons le barbecue avec eux.

Je pars me coucher, Mathieu reste encore un peu. Au matin, je sors de la tente, vois Mathieu et y dis : c'était vraiment cool hier !

Là, il fait une mine fermée et m'annonce qu'un des gars, un peu éméché, lui a fait comprendre qu'on n'était pas les bienvenus hier soir. Je ne comprends pas et enchaîne : Il m'a dit qu'on était des branleurs, que lui il bossait pendant que nous on vivait à crédit des gens, que étant d'un pays riche, nous aurions dû les invité la veille alors que nous n'avons strictement rien amené (ce qui est vrai pour le coup, nous sommes arrivé à l'improsite le ventre déjà plein).

Bref, ça me refroidit un peu la réaction du gars, même bourré, ça prête à réfléchir sur la vision qu'il a du monde, des voyageurs et des Européens... Avant de partir, je passe les saluer faisant style de rien, je ne ressens pas de rancœur, je peux me tromper... Mathieu partira sans un au revoir, je crois que j'aurai fait la même...


Nous nous quittons sur le bord de la route, lui à faire du stop, moi, pédalant de plus belle...

Notre rencontre été intéressante, malgré nos parcours différents, nous nous trouvons une philosophie de vie un peu similaire, minimaliste, sortant du consumérisme ambiant de nos sociétés européenne, mais avec l'envie commune de retourner en France pour y avoir de nouveaux projets...

Punta del Diablo

      Petite bifurcation de la route principale pour ce petit village de pêcheurs surpeuplé de touristes. L'endroit à quand même gardé quelques cabanes dans leurs jus, mais c'est trop souvent pour accueillir les visiteurs...

Le soir, me voilà déjà aux portes du prochain site à voir... Les distances ne sont pas les mêmes que chez les pays voisins.




Cabo Polonio

      C'est à Barra de valizas que je décide de prendre un camping afin de pouvoir y laisser le vélo le lendemain matin.

C'est un vrai échiquier, tous les deux mètres, un poteau, peut-être 8 rangées d'emplacements par 6, quasi-complet, exclusivement des Uruguayens avec quelques argentins. Il faut dire que c'est vraiment pas la bonne période pour visiter le pays, on est en plein dans les vacances. Un peu dans ma bulle, je fais ma vie, parle avec quelques personnes mais me couche vite pour profiter au mieux de la rando de demain car l'aprem, c'est de la pluie qui est au programme.

Départ à l'aube donc, le vélo en sécurité au camping, j'ai mal dormi à cause des voisins qui ont parlé jusque je ne sais quelle heure, mais bien motivé à me taper les 17 kilomètres aller-retour principalement à longer la plage.

Je traverse la rivière sur un petit bateau de pêcheur, le soleil monte à travers les nuages et je suis seul car non, le tourisme de masse ne se lève que rarement à 6 heures du mat...



J'arrive ensuite au Cerro Buena Vista, le temps est couvert mais le paysage quand même bien joli.


4 kilomètres plus loin, c'est Cabo Polonio, les touristes sont réveillés et déambulent là aussi entre les "maisons de pêcheurs" toutes équipées de wifi et de Netflix...

L'endroit a quand même du charme mais je comprends Mathieu qui me disait : Je ne t'accompagnerai au Cabo en cette période, c'est affreux !


Vers le phare, je retrouve une colonie de plus de mille lions de mer.



Je marche un peu dans les rochers et retourne au camping. Les nuages se noircissent, un crachin survient, puis ça s'intensifie jusqu'à ce que des seaux d'eau de déverse sur moi, par chance, je suis à moins de 100 mètres du camping : timing parfait !

Il est midi, j'en profite pour cuisiner et manger. Le déluge est toujours de mise, je ne veux clairement pas rester au camping et ils ouvrent des yeux énormes lorsque je dis que je vais continuer ma route.

Armé de mon poncho, de mon sur pantalon et de mes sur chaussures, je pédale sous les trombes d'eau, quelques kilomètres et m'arrête à un arrêt de bus.

De l'autre côté de la route, une fille me fait signe, elle s'appelle Regina, elle est brésilienne, voyage également à vélo dans la même direction que moi et elle attend patiemment depuis 3 heures que la pluie cesse.

On sympathise et lors d'une accalmie, on reprend la route ensemble, le plus gros est passé, on enlève peu à peu nos couches imperméable jusqu'à ce que revienne le soleil.

On se sépare le soir, elle a deux fois plus de temps que moi pour arriver à Buenos Aires (2 semaines contre 1), elle est plutôt auberges et grâce mat, on se recroisera peut-être à Buenos Aires à mon retour de Mendoza.

Laguna Rocha


      À la sortie de la ville de La Paloma, je longe la côte, ici, seuls les locaux sont autorisé à circuler en voiture et autant dire qu'il n'y a plus grand monde si ce n'est : des locaux. Je les ai enfin mes vraies cabanes de pêcheurs, qui abritent des pêcheurs !


Le spot est magnifique, calme, le soleil tape déjà et la faune est au rendez-vous, je profite...




Arrêt petit dej sur les bords du lac, puis je poursuis sur l'isthme, entre eau douce et eau salée...

ou pas...

En fait, le lac est rempli d'eau de mer. Une digue naturelle se forme, puis, lors de tempêtes, ou de crues, cette digue rompt, remplissant le lac et autant dire qu'avec le déluge de la veille, c'est une vraie rivière qui s'engouffre dans les terres... une centaine de mètres de large, je pense à un bon mètre de profondeur. J'ai déjà passé des rivières assez profondes pour me rendre compte que mon vélo était amphibie, mais là, le courant me dissuade totalement de marcher à côté du vélo.


J'avais entendu parlé de pêcheurs qui faisaient la traversé en bateau, je toque à la première porte et c'est Pepe qui me fera passer cette étape... je trouve qu'il a la classe le papy avec des airs de Mike Horn un chapeau, 30 ans de plus et quelques dents en moins... Je n'ai pas osé le prendre en photo.

De l'autre côté de la rive, un brésilien en voiture s'est avancé jusqu'à la rive et un couple d'uruguayens à vélo vont profiter de Pepe pour traverser. On discute presque une heure puis nous nous séparons, reprenant ma route, face au vent cette fois.

Cuidad del Este 

Si je me plaignais du tourisme, je n'ai encore rien vu, bienvenue à Ciudad del Este !

Des hôtels à perte de vue tout le long de la côte, des plages surpeuplées, une Trump Tower, des grosses bagnoles de luxe et des doigts qui sortent du sol.

Ce sont ces cinq derniers qui m'ont fait faire un petit détour, c'est franchement naze... je ne traîne pas et avance jusqu'à une petite forêt à côté d'une station service alors que la nuit s'est presque installée.



Montevideo


      Après une grosse demi-journée sur la route, contournant le Pan de Azucar uruguayen et longeant les vignobles, puis la plage, j'arrive chez Alejandro, un contact dans la capitale trouvé via Warmshower. Il vit avec sa sœur et un ami à lui venu lui rendre visite.

L'endroit est charmant, on discute pas mal d'autant qu'Alejandro prévoit de partir dans les Andes à vélo dans les prochains mois.

Pourtant, il n'a pas la tête au vélo en se moment mais plutôt dans les murgas. Les murgas, sont des rassemblements lors du carnaval où des groupes de 17 personnes chantent, parodient, interpellent sur la société. Année d'élection présidentielle (le pays est passé de la gauche à la droite), le sujet paparaît inépuisable.


Le soir, je vais voir la répétition quotidienne, plus tard dans la soirée, nous allons à un festival de murga. Rentré à 3 heures du matin un jour de vélo, c'est inhumain !

Je n'ai pas suffisamment de temps pour profiter de la ville comme je le voudrai, avec Alejandro et Gaston, nous faisons un tour à vélo jusqu'au point le plus au sud de Montevideo (et du pays) puis remontons vers le quartier du port pour un nouveau festival de murga.




Rythme de vélo oblige, je me suis réveillé à 7 heures, je suis bien fatigué et passe la soirée à cuisiner et à me reposer tranquillement. On est samedi, je tente de chercher, à pied, puis à vélo, un Condolo, sorte de groupe de tambours éparpillés sporadiquement dans le quartier mais ne tombe que sur des petits groupes avec un style différent de ce que je voulais voir... raté...




Avant de quitter ma ville, je pars avec Vicky, la sœur d'Alejandro au marché, acheter mes derniers légumes... dans trois jours maximum, je devrais arriver à destination...

Ce sont 40 kilomètres plus loin que j'arrive chez Popi, un ami d'Alejandro avec qui il fait de la radio.


Ses parents me reçoivent à l'ombre d'un arbre gigantesque. Yolande et Alfredo ont 4 hectares de tomates et... de fraises !

On discute toute la fin d'après-midi, ils m'invitent à poser la tente dans le jardin et me proposent de manger avec eux.

Je me réveille et une merveilleuse odeur de fraises à envahit ma tente. Popi et deux employés sont en train de récolter les fruits, Yolande et Alfredo, les trient, les pèsent et les stockent.


Je prends un seau et aide Popi, profitant de cet échange pour le connaître un peu plus. Il me raconte son voyage pour le mondial en Russie, ses projets de radio, c'est intéressant.

À midi, je mange à nouveau avec sa famille puis avance 85 kilomètres jusqu'à la maison de Patricia, une amie d'enfance à Popi.

C'est Nelo, son mari qui me reçoit accompagné du petit Julian, 3 ans. Nouvelle soirée chez les locaux, Patricia nous cuisine des pizzas maison, nous échangeons pas mal et ne partirai que le lendemain en fin de matinée. Je revois mes ambitions à la baisse, je traverserai pour Buenos Aires à Colonia de Sacramiento plutôt que de Carmelo, le billet est trois fois moins cher et mes arrêts chez les gens ces derniers jours m'ont fait "perdre" du temps.

Je décide, pour ma dernière nuit d'aller dans une auberge de jeunesse juste après être passé au port pour acheter mon billet pour le lendemain.



Le ciel se découvre, une belle éclaircie m'accompagne pour le coucher de soleil sur la rive du Rio de la Plata. En face, la capitale Argentine, là où tout a commencé plus de trois ans auparavant...


Toutes les photos au lien suivant :


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