30 janvier 2020

Amérique du Sud #45 Fin...


      En face, Buenos Aires. Je suis à la proue du bateau, avec mon paquet de viennoiseries à la main, attendant que la ligne de l'horizon soit transpercée par les gratte-ciels.

Je débarque, recroise à la sortie du bateau, un couple d'Argentins rencontré quelques jours plus tôt sur la route et reprends ma route.

Le stade de Boca... ou un magasin IKEA...

Cette fois, c'est la dernière ligne droite, je pars vers le Sud, à 16 kilomètres du port de la capitale Argentine : Lanús. C'est là-bas que tout à commencé il y a 3 ans et 3 mois, lorsque j'ai été accueilli chez Marta et Julian. Je me souviens très bien de ce moment, juste après avoir frappé à la porte, me dire : le voyage commence maintenant !

On a toujours gardé contact, on s'est recroisé à Cartagène en Colombie, ils m'ont donné plein de renseignements sur le parcours, des contacts, des conseils... bref, même si ils ne sont plus ici, c'est devant leur maison, à Lanús que ça doit se terminer (comme souvent d'ailleurs...).

C'est plein d'émotions que je pédale, avec un grand sourire mais avec en permanence, cette petite larme coincée au coin de l'œil. 

Tant de personnes rencontré, de paysages découverts, des joies, des galères, des hasards. De moins 15 à plus 45 degrés, de 0 à 4972 mètres d'altitude, des déserts aux forêts primaires, je n'aurai jamais la prétention de dire "J'ai  tout vu" mais j'y ai roulé ma bosse sur ce continent, découvrant ce que je pouvais, avec mes moyens financier et kilométrique. J'ai pensé et repensé, sur moi, la vie, la société et je ne suis clairement pas la même personne qu'il y a trois ans. "Les longs voyages sont avant tout un voyage à l'intérieur de soi", c'est bateau mais tellement vrai. 
Comment continuer à sur consommer tout et n'importe quoi quand on est accueillis chez des paysans qui sont directement impacté par le changement climatique ? Lorsqu'on voit ces millions d'hectares déforestés pour y mettre notre viande brésilienne. Ce n'est pas la planète qu'il fait sauver, elle s'en sortira, NOUS le "premier monde",  qui sommes les plus gros consommateurs d'énergies, devons sauver la peau des générations futures en consommant moins et mieux ! 

Arrêtons avec cette course à la croissance infinie sur une planète dont les ressources ne le sont pas !

Bref...

C'est la fin, j'arrive sur la place, au pied de la gare. Il y a plein de monde mais je ne remarque rien, seul dans ma bulle comme souvent.



Quelques centaines de mètres plus loin, la maison de Marta et Julian. J'arrête le vélo, m'assois devant la porte dans l'ignorance totale des Porteños.

J'en interpelle un pour prendre une photo, le gars s'exécute, grommelant que "Lui travaille"

  

Je vais au coin de la rue acheter des viennoiseries, c'est Julian qui m'avait fait découvrir la fameuse Dulce de Leche dont elles sont, pour la plupart, bien garnies.


Retour devant la maison à me remplir la pense, il est temps de fermer la boucle, refaire le geste avec lequel tout a commencé... Je toque à la porte...

Personne...

J'aurai pu faire une connaissance de plus, être invité, raconter mon histoire autour d'un maté ou bien être gentiment refoulé mais non. Rien de l'autre côté de la porte, l'histoire est bien terminée.


Après ça, retour dans le centre de Buenos Aires. Un peu déboussolé, au milieu de l'effervescence d'une capitale Sud américaine, je fais une petite sieste sur la place devant la casa rosada.


Fin d'après-midi, direction l'appartement de Santiago, le frère de Nacho, proprio de l'hôtel de Mendoza. Je récupère les clefs via le gardien, je trie mes affaires jetant ce dont je n'aurai plus besoin, la boule au ventre... Santi me rejoint, on parle beaucoup, cela fait plus d'un an et demi que l'on ne s'était pas vu. 

Et maintenant, qu'est ce qu'on fait?

Mendoza 

      Pour l'heure, dernier détour. Pas à vélo, c'est quand même plus de 1000 kilomètres l'aller, pas de bus, bien trop long et coûteux, c'est en avion que je traverse l'Argentine d'Est en Ouest (promis, à mon retour, je me calme avec les avions !)

Retour à l'hôtel avec Nacho et sa famille, j'espérais avoir le temps de repasser faire un petit coucou et boire quelques grands coups !

Buenos Aires 

      De retour à la capitale, le cœur plus léger, je passe quelques jours chez Santiago en attendant mon vol. Il m'amènera danser du tango, on partagera quelques bonnes bouffes et je revois finalement Regine, la brésilienne à vélo qui arrive tout juste du pays voisin aillant suivie exactement le même itinéraire et les mêmes arrêts chez les Uruguayens.

Il lui tardait d'arriver à lui aussi...

Je récupère une boîte pour emballer le vélo, Santi me propose de m'emmener avec le carton et le vélo la veille au soir à l'aéroport, je démonterai et embellerai tout demain matin, le vol étant en début d'après-midi...


Retour sur le vieux continent 

      Pour éviter les changements de compagnies, d'éventuels frais supplémentaires, autre check-in etc, j'ai seulement pris un vol direct Buenos Aires , Barcelone avec le vélo dans un carton donc pour une cinquantaine d'euros. Si les vols n'étaient pas chers, je comprends vite pourquoi, les compagnies low cost ne font pas seulement du local et traversent également les océans. 

Pas de bouffe à moins de 10 euros le plat, aucun avertissement sur le billet ou lors de l'embarquement. 12 heures sans manger par principe de ne pas payer...

Arrivé à 5h à Barcelone, je récupère le vélo, le monte, tente de sortir de l'aéroport sans passer par l'autoroute, puis retente une seconde fois, il fait noir, personne ne sait m'orienter... et dire que je me foutais de la gueule des Porteños lors de mon arrivée en Argentine, la police elle-même m'avait dit de prendre l'autoroute sur 5 kilomètres avant de pouvoir sortir. C'est finalement pareil en Europe...

Il est encore très tôt, boulangeries et supérettes sont encore fermées, il me faut attendre d'être dans le centre pour me remettre quelque chose sous la dent, cela faisait plus de 15 heures...

Je traîne dans la ville, remonte les Ramblas, vais voir l'avancement des travaux à la Sagrada et vais dormir dans un parc, près de la gare routière. Le but étant de prendre un bus jusqu'à Toulouse et terminer à vélo jusqu'à Espalion.

Mon billet est acheté depuis des semaines mais l'inconnue de savoir si je peux ou non emporter mon vélo plane toujours tel une épée de Damoclès. Le site dit que non sauf vélos pliants, les guichets me disent, avec petit écriteau format A4 qu'animaux et vélos sont interdits. Gros stress, c'est une semaine dans le froid traverser les Pyrénées en plein hiver qui m'attend si ça ne passe pas.

Le bus est à minuit, dès 22h je m'applique à démonter au maximum mon vélo, emballant tout ce qui peut l'être dans ma bâche et mon hamac le tout cerclé de cordes.

Ouf de soulagement, malgré un bus plein, le chauffeur ne dit rien pour le vélo et même si je ne dors pas beaucoup dans le bus, j'ai l'esprit bien plus léger, je deviens à nouveau maître de mes kilomètres.

Ô Toulouse

      Nouvel horaire à la con pour t'empêcher de dormir, 7 heures du matin, arrivée à la gare. Je remonte une nouvelle (et dernière) fois le vélo et sort de la ville rose dans le noir...

Premier arrêt chocolatine !

Je suis crevé, j'ai peut-être dormis 10 heures en trois jours, il fait froid, un vieux crachin breton m'oblige à ressortir mes affaires de pluies, je fais quand même 110 kilomètres malgré beaucoup d'arrêt nourriture, changement d'habits et "micro sieste" sous les arrêts de bus.

J'arrive à Tanus, à vélo, obligé de descendre dans la vallée pour remonter, je garde ça pour demain. J'ai bien avancé, nuit de fête, je ne mets pas le réveil demain matin, youhou ! Je monte la tente, mange rapidement et dors de 18h à 8h du matin.



Pourquoi Toulouse , Aveyron à vélo ?

      Il y a quatre ans, fort de mon voyage jusqu'à Londres via la côte Ouest de la France, je voulais enchaîner sur le tour d'Espagne. Le périple en Amérique du Sud étant déjà dans les tablettes, apprendre l'Espagnol avant d'arriver en Argentine paraissait logique.

Au final, une conjoncture de mal chance dû probablement à un mélange de selle mal réglée, pas assez d'entraînement, trop de froid, déshydratation (ect...) m'a fait arrivé le lendemain à Toulouse avec une tendinite terrible qui m'a contraint à abandonner et à rentrer de cette même gare de Toulouse, jusqu'en Aveyron.

S'en sont suivis des mois de doutes, de la glace sur les genoux, du kiné, des chewing-gum dans la bouche et finalement, un tour d'Espagne en voiture...

J'avais donc une petite revanche à prendre sur ce tronçon, quatre ans plus tard, près de 35 000 kilomètres plus loin, je m'endors là où la douleur avait commencé à apparaître...


Au réveil, super motivé, je me gèle à descendre dans la vallée, passe en Aveyron et me réchauffe très vite juste après, remontant l'autre versant.


On change de continent mais les blagues se ressemblent...


Me voilà sur les traces du tour de France 2016, à contre-sens et dans le brouillard, je redeviens un peu plus banal et m'efface dans la société.

Le futur

      En ce qui concerne l'avenir, peur de déprimer, je compte me lancer corps et âme dans de nouveaux projets.

En premier lieu, trouver un petit van et l'aménager afin de pouvoir y vivre à l'intérieur. Je pense avoir besoin de garder un peu de liberté, d'imprévu et suivre dans le courant minimaliste qui m'a clairement rendu heureux ces dernières années.

À moyen terme, tenter d'économiser pas mal d'argent en ne travaillant pas juste pour payer mes impôts. Cela me fera me lever tôt, coucher tard, faire des déplacements et pourquoi pas aller en Suisse. Le tout vivant dans mes 5 mètres carrés pour économiser un loyer.

À long terme, investir à nouveau dans l'immobilier, retaper des appartements vivant dans la poussière ou toujours dans le van. J'ai 31 ans, j'ai cotisé 4 années, je suis plutôt mal parti pour la retraite et si je peux vivre de manière simple, avec 1000 € par mois de rente, une tiny house sur le Larzac et un jardin, peut-être que ça me plairait...

Encore pas mal de flou donc...

"Et tu repars quand ?"

      Pour le moment, pas de voyage en vu, peut-être des petits week-ends avec des proches mais pas de séjours en Jordanie ou en Islande et encore moins l'Asie à pied ou les États-Unis en stop. Peut-être que les idées viendront avec le temps... certainement...

Avant tout ça, retour à la maison à profiter de la famille et des amis car même si partout c'est chez moi, un endroit sur terre l'est un peu plus que les autres...





À suivre...
... un jour...

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