09 janvier 2020

Amérique du Sud #43 D'El Chaco à Corrientes (Par et Arg)


El Chaco

      Après trois heures de stop, à l'arrière de la camionnette, j'arrive enfin à Loma Plata. La route était compliquée, le conducteur allait super vite, je tentais de tenir le vélo à l'équilibre, assis sur une mini caisse à outils,  j'en redescends le derrière tout endolori...

La fatigue accumulée sur le bateau ces derniers jours, ma matinée avec les moustiques et toutes les émotions de la journée me font me diriger vers la station-service la plus proche pour m'y effondrer comme une grosse pierre.


El Chaco est une sorte de Pampa, c'est plat de chez plat et même si il y a un peu de vent, la chaleur y est étouffante, c'est clairement LE four du Paraguay, voire le l'Amérique du Sud ! 

Un four bien bruyant !

Juste avant de visiter la ville, je pars à une douzaine de kilomètres de là, à un refuge d'animaux.



Même si le proprio (d'origine allemande) m'avoue avoir acheté quelques tortues, il y a une dizaine d'années, il ne fait, depuis ce temps-là, que recevoir des animaux, bien souvent récupéré dans les environs par des locaux. Guépard, tapir, perroquets, coatis et bébés putois sont de la partie...




Loma Plata 

      De retour en ville, c'est une des trois villes "monnonites", en gros, des blancs (allemands, canadiens, russes...) évangélistes qui ont immigré ici il y a une centaine d'années. Le terme de Monnonite vient du nom du fondateur, Mono.

Je m'attendais à voir des blancs super chelous comme à la télé, genre consanguins, coupant les arbres à la hache refusant tout progrès technologiques mais rien de tout ça, ils sont à première vu totalement normaux et sinon les écritures en allemand (langue officielle ici), bah il n'y a rien d'exceptionnel...

Je fais un petit tour au musée qui explique l'histoire de la ville et comment les blancs sont arrivés et ont rapidement cohabitaient avec les autochtones dans la plus parfaite des harmonies. Bon j'y crois que moyennement, l'histoire du monde montre que le blanc à plutôt tendance à foutre des coups de savate au noir pour le faire avancer plus vite...

En ce qui concerne le voyage, ce sont plus de 400 kilomètres, de quasi ligne droite, qui me font passer d'El Chaco à Asumtion, capitale du pays.

La route est monotone, avec du vent globalement favorable qui me permet de faire, quotidiennement, entre 150 et 170 kms. Je me tape quelques grosses averses pour le plus grand bonheur des moustiques qui en profitent pour pointer le bout de leur trompe...

Extrait de mon "journal de bord" quotidien pour ceux qui croient encore que je me la coule douce sous les tropiques...


Les nuits, je m'arrête principalement dans les stations services, accueillis chaleureusement par les gardiens de nuit, bien souvent armé de gros fusils qui pendent à leur ceinture... un brin déstabilisant la première fois...

Paradoxalement à cette exhibition un peu exagéré d'arme, le pays est sûr, ici, on m'invite à poser ma tente un peu partout me répétant "t'inquiète pas, t'es pas au Brésil, c'est tranquille ici !"

Ces échanges me font apprendre quelques mots de Guaraní, l'autre langue officielle du pays. C'est d'ailleurs quelque chose qui me surprend, entre eux, les paraguayiens  parlent très souvent guaraní mais ils parlent parfaitement l'Espagnol qui finalement ne pratique pas tant que ça... 

Cette longue route, sans banquette me fait découvrir le respect qu'ont les camionneurs pour les cyclistes. Je les vois dans le rétroviseur, ralentir et dépasser, seulement si c'est possible. Courtois donc les Paraguayens, loin des Brésiliens sans cervelles abrutis du klaxon (et les Argentins, la même, les souvenirs me reviendront dans quelques jours, après la frontière...)

Villa Hayes 

      Comme d'habitude, j'essaye de ne pas arriver tard dans une grande ville et décide donc de m'arrêter à une trentaine de kilomètres d'Asuncion. C'est chez les pompiers, que je trouve une nouvelle fois refuge, on parle pas mal et m'invite à dormir dans leur dortoir climatisé ! La classe même si, n'étant pas habitué à autant de fraîcheur, je ne dors que quelques heures.

Pour la petite histoire, Villa Hayes s'appelait à l'origine "Nueva Bordeu" (Nouvelle Bordeaux). La petite ville avait été colonisée par des Français bien décidés à faire du vin ici. Gros flop, ils abandonnent la ville aussi pauvre qu'à leur arrivée...

Le Tereré 

      Si le vin n'a pas fonctionné ici, une autre boisson est, elle, énormément consommée : Le Tereré

C'est le fameux maté dans sa version rafraîchissante, avec de l'eau bien fraîche ! Ils y ajoutent parfois des herbes, des saveurs comme de la menthe, des agrumes... Ici, c'est comme en Argentine, tout le monde a son thermos aux couleurs de son équipe de foot, avec des photos de sa famille, etc... son récipient et sa bombilla (sorte de paille).

Asunción

      La capitale paraguayenne est plutôt tranquille, j'arrive assez tôt à l'auberge de jeunesse. Je l'ai choisi un peu par hasard, il y avait de bons commentaires sur mon application camping et les prix me paraissaient correct (petit dej inclus).

Il s'avère que Guillaume, le proprio est français et qu'il a voyagé en Amérique du Sud à vélo il y a une dizaine d'années. Il est passé par là et y a vu du potentiel au fait d'y faire une auberge.

Il est maintenant marié avec une Paraguayenne et mènent une petite vie tranquille loin du stress de la métropole.




Je visite rapidement la ville totalement morte du fait d'être en plein dans les fêtes (j'ai des doutes qu'à temps normal ce soit la giga teuf non plus...) c'est bien tranquille, il y a très peu de feux tricolores, les automobilistes sont courtois, laissent passer les piétons, une capitale de 2.5 millions d'habitants une nouvelle fois à l'image du pays : bien tranquille !



Noël 

      C'est la raison de mon passage dans une auberge, je me souviens de mon premier et unique Noël seul sur la route il y a trois ans dans la Pampa Argentine. C'était clairement déprimant et je ne souhaite pas réitérer l'expérience.

Je suis donc venu cherché une famille de substitution et ça s'annonce plutôt bien. Au programme, gros repas où chacun fait un plat de son pays, nous sommes presque vingt personnes pour une dizaine de nationalités, l'ambiance est vraiment cool.



On finit le repas un peu après minuit et restons en comité plus restreint jusqu'à 3h du matin.

Le lendemain, le 25 donc, je me réveille par habitude à 7h, bien fatigué et dégoûté de ne pas profiter plus de mon matelas. Coup de fil à la famille, je me cuisine un gâteau avec les restes de mon gâteau aux trois laits fait la veille (effectivement, ce n'est pas une spécialité française...), Je me cuisine de la farofa... Et c'est après une longue conversation avec Guillaume sur nos voyages et expériences que je poursuis ma route. Mon manque de sommeil se fait vite sentir et m'arrête vers 16h, à une station-service une trentaine de kilomètres plus loin.

Caacupe 

      Huit heures du matin, un panneau sur le bord de la route annonce déjà 34 degrés et les trois kilomètres de montée jusqu'à la ville me sèchent littéralement... Je suis allé jusqu'à 5000 mètres d'altitude et là, à 200 mètres, je suis au bout de ma vie !

Caacupe est un lieu de pèlerinage pour les paraguayens, le huit décembre, le jour de notre-dame des miracles, 300 000 pèlerins y convergent. 



Yaguarón

      Nouveau détour après une longue journée dans le four paraguayen. Je laisse le vélo chez les pompiers et prends un bus pour le petit village quinze kilomètres plus loin.

Yaguarón est connu pour son église en bois, mais ce qui me surprend c'est le manque de fenêtre. Dans l'église, je suis seul, je prends mes aises pour régler mon appareil en pauses longues. J'ai besoin d'un support donc, je commence à bouger l'urne où certain déposent de l'argent, commence à la manipuler puis me ravise en me disant que je vais peut-être un peu loin...



En me rapprochant du cœur, j'aperçois soudain un petit vieux, inerte. Je salue discrètement, le voyant à peine à cause du manque de lumière, m'a t'il vu commencer à manipuler la caisse ? Je me sens un peu con...

Plus tard, en regardant les photos, j'ai un mal fou à le voir sur les photos. Ai-je rêvé ?!

Non... il était bien là, en train de dormir :

Où est papy ?

Paraguari 

      Retour chez les pompiers. Si les deux premiers qui m'avaient reçu étaient un brin froid, lors de mon retour de Yaguarón, un enthousiasme se créé. La raison : la caserne a accueilli, il y a moins d'un an, des pompiers de Lyon. Ils sont restés un mois, dans le but de partager leurs expériences, leurs façons de travailler, de s'organiser. L'un d'eux m'explique la différence entre leur matériel, états-uniens et français donc, car les pompiers ne sont pas venus les mains vides, pas moins de deux Renault Trafic de 100 000 kms et un Renault Truck en superbe état ont été offert à la caserne. 


Je fais d'ailleurs le rapprochement avec un podcast écouté il y a quelques jours parlant des grèves de pompiers qui demandent (entre autres) des augmentations de salaire... Perso, le Trafic, à 10 000 € je le prends direct et des économies me semblent clairement réalisables...

Je n'aurai pas le fin mot de l'histoire et puis ici, au Paraguay, tous les pompiers sont volontaires. Les casernes sont sponsorisées, principalement par l'entreprise à qui appartient le barrage d'Itaipu et ne reçoivent aucune subvention de l'état, sinon, le local.

Du côté matériel, ce sont des dons, j'ai pu observer dans les différentes casernes des vestes canadiennes, des camions japonais (avec le volant à droite et conduisent à gauche, oui oui), ambulance hollandaise, etc... Dilemme entre améliorer notre monde des casernes ou les casernes du monde... Quelle belle phrase :')

Paraguari - Encarnación

      Trois jours de chaleur assez compliqués, ce pays est un four, on frôle les 40 degrés et je fais connaissance avec ce que j'appelle "le paradoxe venteux". Le paradoxe venteux est le fait de préférer le vent de face au vent de dos tout simplement du fait que le vent de face rafraîchit (à une certaine mesure) alors que le vent de dos bah, certes me pousse, mais je ne le sens pas et 40 degrés sans vent, c'est clairement un enfer !


Je passe très tôt dans Encarnación, dite "La perle du Sud", c'est clairement pas une perle de superbe qualité même si suivre le fleuve Paraná de bon matin me plaît beaucoup. C'est tranquille, il fait bon, un dimanche matin parfait. 



Missions Jésuites 

      On y est, le seul endroit réellement touristique du Paraguay ! Les missions qui ont été envoyées pour évangéliser les Guaraní il y a 500 ans.

Là aussi, tout se serait également passé dans "la joie et la bonne humeur". Il faut dire que pour les autochtones, les Espagnols devenaient des protecteurs contre les Portugais qui rôdaient dans le coin à la recherche d'or notamment. Les Guaraní étaient libres d'intégrer ou non la mission, ce n'était clairement pas un camp de concentration même si le but des Espagnols étaient clairement de contrôler puis pouvoir manipuler la population avec un livre qui s'appelle la bible.

     Jesus de Taravangüé 

      C'est un détour de 13 kilomètres, je laisse les sacoches à l'office de tourisme de Trinidad et file vers ce premier village.

C'est finalement une organisation classique d'un village, une place centrale, des maisons autour, une église, des ateliers et une prison (bon effectivement, y'a pas des prisons dans tous les villages "classiques").



     Trinidad 

      Je retrouve mes sacoches mais aussi les nuages, je patiente pour que vienne l'éclaircie.





Le soir, le "spectacle son et lumière"... Ce sont en réalité les bâtiments qui sont illuminés durant 45 minutes avec, en boucle, une musique de troubadour...



Simple mais efficace, je trouve l'endroit bien sympa.

Le soir, je suis reçu par une vieille dame, juste à côté de l'office de tourisme. Elle est partie suivre son mari au Japon, elle ne connaissait rien à la langue, je suis impressionné par sa persévérance car ce n'était visiblement pas une partie de plaisir. Aujourd'hui, elle y vit une grande partie de l'année, elle est revenue au Paraguay pour gérer un peu ses résidences dont certaines sont en location.

   San Ignacio

      Dernière Mission que je visiterai, c'est derrière la frontière que cela se passe, du côté argentin. Même principe que les précédentes, je me rajoute à une visite guidé. C'est pas dingue mais toujours plus intéressant que visiter seul...



Ne pas toucher ?! 🤔

Réveillon 

      C'est à Posada, en Argentine que je pose à nouveau les valises dans une auberge espérant réitérer les bons moments de Noël pour cette nuit du nouvel an.

Une petite soirée est organisée par quelque argentins où je finis par me faire inviter.

Sinon moi et un Brésilien, ce ne sont que des fans de Messi qui sont autour de la table, les profils sont pourtant variés, des hippies vendeur de bracelets, un camionneur avec des fils essayant d'être à la mode avec casquette de rappeur et jeans moulant de rockeur (choc des styles). Le brésilien lui, se targue d'avoir acheté une chemise à 400 dollars sous les yeux concupiscents de sa chérie...

Je dois bien leur paraître aussi bizarre que eux ne me le paraissent.

Au menu, une sorte de Macédoine, barbuc, salade de fruits et banana bread !

La soirée n'est clairement pas ouf mais on mange très bien et pour le coup, je ne serai pas fatigué demain car à une heure, je suis au lit comme une bonne partie des protagonistes de la soirée...

Pour démarrer l'année, ce sont près de 600 kilomètres qui me font traverser les régions de Missiones, Corrientes et Entre Ríos. Suffisamment de temps sur la route pour me heurter à la réalité Argentine...

D'un côté les camionneurs sans cervelles qui klaxonnent pour te dire de dégager de la route, je m'énerve sur bon nombre d'entre eux mais fini par capituler et sauter dans le bas-côté chaque fois que cela me semble nécessaire... peut-être que dans trois ou quatre générations, ils comprendront qu'ils ont eut tors... 

De l'autre, les gens super aimables qui s'arrêtent sur le bord de la route et m'offrent des yaourts, des tartes aux maïs, du pain, du poulet, du lait et...

...du cidre !

Des hippies voyageurs m'offrent même un paquet de pâtes ! Qu'est-ce que dois avoir comme dégaine pour en arriver jusque-là ??


Las Marias

      Depuis quelques jours, j'essaye de visiter une usine de production d'herbe à maté. Les jours fériés et les ponts de cette période de fête m'ont obligé à attendre jusqu'à l'ultime entreprise qui peut être visitée, la plus au sud de tout le continent, dans la région de Corrientes.

Il faut savoir que le maté est une réelle institution en Argentine (dans la plupart des régions), au Paraguay et en Uruguay. Au sud du Brésil, c'est également consommé, mais ils sont loin de la ferveur de ses voisins.


Le maté est le nom du récipient, originellement, une courge creusée puis séchée et l'herbe à maté, les feuilles d'un arbuste récoltées, séchées puis broyées plus ou moins grossièrement.

On dit "boire du maté", ce qui est erroné, mais pour le coup, on ne se moque pas, car nous disons bien "boire un verre" ce qui est tout aussi stupide...

La visite dure deux bonnes heures, avec petit film d'intro puis un tour en voiture dans l'immense propriété de 13 000 hectares. L'entreprise est une vrai petit village, des maisons pour les nouveaux employés, écoles, église... Il ne manque que le supermarché pour ne pas avoir à sortir de toute la semaine...


Si l'herbe à maté provient de la même planté, il faut savoir que chaque pays à son type de maté qui lui est propre.


Le Brésilien réduit en poudre des feuilles à peine sèches ce qui rend la mixture vert bien pétant.

Les Uruguayens eux, laissent sécher les herbes et utilisent la poudre et l'herbe bien triturée.

Les Argentins, font un mélange de trois herbes plus ou moins fines et rajoutent les brindilles, donnant un goût plus amer...

Bref, c'est tout un schmilblick, j'aurai une préférence pour l'uruguayen mais la finesse de l'herbe fait qu'on doit aspirer la paille (qui a une sorte de filtre) comme un dingue alors que l'Argentin, grâce aux brindilles, n'a pas cet inconvénient mais retient de ce fait moins la chaleur de l'eau... bref, un vrai schmilblick je disais !

C'est philosophant sur le maté que je me dirige vers le dernier pays de ce voyage, le dernier d'Amérique du Sud, le plus petit aussi : l'Uruguay !

Au compteur : 33 200 kms


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