05 juillet 2019

Amérique du Sud #35 Guyane française


Sur le papier, ça fait pas rêver et j'ai personnellement toujours eu une assez mauvaise image de ce petit bout de terre sans jamais me poser réellement la question du pourquoi du comment...

Insécurité dans les villes, mafias dues à l'orpaillage, certainement une trace plus ou moins indélébile laissé par les bagnes. Rajoutez à ça, 95 % d'une forêt remplie de grosses bébêtes potentiellement "mangeuses d'hommes" effectivement, ça donne pas envie...

St Laurent du Maroni


      Première ville sur la côte Ouest, de sa proximité avec le Surinam, elle est amenée à exploser démographiquement ces prochaines années.

Les voitures sont françaises, elles roulent à nouveau à droite (Oui, au Surinam, ça conduisait à gauche alors que c'était hollandais...).

De la bouffe française dans des Proxi et autres 8 à 8. Les drapeaux tricolores et surtout cette humidité et les moustiques ! (ça c'est pas trop français...).

Rien de bien extraordinaire dans cette ville, j'apprendrai trop tard qu'un ancien bagne peut être visité, je suis déjà sur le bord de la route à faire du stop pour Awala (à la pointe Nord ouest) où j'espère voir les tortues luth, la plus grosse espèce marine du monde.

Awala

      En Guyane, si on veut dormir pour pas trop cher, le carbet est une bonne solution. À l'origine, c'est un abris qui se trouve dans les communautés amérindiennes de forme circulaire la photo de gauche, en mode un peu plus touristique, ça ressemble plus à la photo de droite, cuisine, table, eau et frigo pour le confort moderne !


L'inconvénient du hamac est que même avec une moustiquaire, on entant les petites bêtes rôder et la voracité de ceux d'Awala sont certainement tout aussi connus que les tortues... Le moindre bout de peau, le moustique ninja n'hésite pas et traversera même la toile du hamac pour nous pomper le sang...

La nuit est atrocement chaude, pour mettre toutes les chances de mon côté, je me rends une grosse heure avant la marée haute sur la plage repéré la veille, de jour, car cette dernière est prévue à 3h du matin...

Arrivé sur place, j'en vois deux, elles sont énormes, la carapace doit faire au moins un mètre de long, elles grattent interminablement le sable pour pondre leurs œufs pour ensuite le recouvrir, l'opération dure presque deux heures...

Elles reviennent exactement au même endroit tous les deux ou trois ans pondre prés de 100 œufs en plusieurs fois dans la même saison. C'est là que je me dis que si il y a un dieu, c'est quand même un beau connard, bien sadique car en moyennes seulement un bébé sur mille arrivera à l'âge adulte...

Les images resteront plus dans ma tête que sur mon téléphone car pour ne pas déranger les tortues, on doit utiliser une lumière rouge, ou un petit autocollant collé sur le flash du téléphone, les photos sont totalement inexploitables.

Bon et puis pour être tout à fait honnête et ne pas chercher à vendre du rêve, j'ai pas trop traîné car les moustiques étaient vraiment vénèr ! Au bout de 30 minutes, l'humidité faisait s'en aller l'anti moustique, j'en suis venu à me mettre en kaway et pantalon... bref, je compte me rattraper à la plage de Cayenne, sans autant de moustiques et avec des horaires de marais moins contraignantes...

Retour au carbet pour finir ma belle nuit de merde car je retourne sur la plage dans moins de deux heures à l'aube espérant une retardataire...



À défaut de tortues, je vois un beau levé de soleil !

Je pars matinalement et totalement mort de fatigue vers Kourou en stop et je m'endors avec un peu de honte à côté des conducteurs qui m'avancent sur mon chemin.



Cacao

Sur la route...

      Après un jour à Kourou à traîner en ville, à me reposer et à organiser la suite du voyage, j'avance jusqu'au village de Cacao en stop à 160 kms.

Dans le jeu des 7 familles guyanaises, après les noirsmarrons, les créoles, les métros, les chinois, les haïtiens, je demande les Mhong.

Fuyant le communisme, ils sont fait réfugiés politique en 1977 et envoyés en Guyane pour repeupler le département et développer l'agriculture.

J'arrive stop avec Bastien, il a été envoyé pendant 15 jours par sa boîte afin d'expliquer un logiciel aux mairies des villes du département (ça sent le boulot tranquille ça non ?)

Le marché de Cacao est un (très) petit marché dans le village à flan de colline, je suis un peu déçu, il n'y a rien d'exceptionnel...

L'autre attraction, bien plus intéressante celle-là, est le musée des insectes vivants. Animé par un passionné, on découvre beaucoup d'insectes : blattes, mygales, scorpions... et on s'aperçoit que pas grand chose n'est dangereux en réalité ici en Guyane si on ne les titille pas...


Bastien me propose de m'amener à Cayenne. La nuit tout juste tombée, c'est une nouvelle fois au carbet que je trouve refuge.

Rémire montjoly

      C'est depuis le carbet que je fais quelques sorties les jours suivants...

Le sentier Rorota

      Allan, le propriétaire du carbet, lorsque je parle d'aller marcher sur le sentier me propose de m'accompagner.

Jumelles au cou, nous voilà à chasser les paresseux dans les arbres (sans lui, j'aurai d'ailleurs été incapable de les voir...).

Les singes, eux, bien moins discret, se repère facilement...


Le Nord des marais de Kaw

      C'est une nouvelle fois avec Allan que je pars en excursion. Vers 15h, c'est sur une pirogue à moteur, chargé d'un kayak que l'on remonte la crique Gabriel (ici, crique = rivière) jusqu'à un pont écroulé. C'est à la force des bras que l'on avance jusqu'au lac Pali.


Un peu avant d'arriver à destination, on passe l'impressionnante "forêt inondée", les arbres posés sur un miroir d'eau et une sensation de flotter dans les airs comme lors de certains passages sur la saline de Uyuni en Bolivie (mon cerveau ne capte toujours pas très bien d'ailleurs...).


Allan est passionné et comme sur le sentier du rorota, il m'explique et me montre pas mal de choses. Beaucoup de poissons, de végétation et d'oiseaux notamment un difficile à apercevoir qui rendra Allan super heureux (dont j'ai déjà oublié le nom... ^^').




Le retour se fait de nuit, le but : apercevoir des caïmans. En attendant, c'est un superbe levé de lune qui s'offre à nous et un beau ciel étoilé fendu de temps à autre par des étoiles filantes.

L'expérience est déroutante, on descend sans faire de bruits la rivière mais dans un vacarme de vie autour de nous impressionnant. Oiseaux, grenouilles, trucs dont on ne sais pas trop ce que c'est et caïmans ! (bon ok, eux ne font pas de bruit mais c'est juste pour la transition...).


C'est en quelque sorte le clou du spectacle, notamment parce qu'on les aperçoit seulement à la fin de notre excursion, ils ne sont pas énormes (60cm à 1m), pas très farouche, se laissant approcher sans crainte.

De retour au carbet vers 1 heure du matin, je me motive à mettre le réveil à 5h pour essayer de voir...

...les tortues

      C'est certainement ma dernière chance d'en voir à la lumière du jour, les yeux piquent un peu mais la motivation est suffisante pour me faire sortir du hamac et entreprendre les 2h30 de marche.

Je remonte la même plage que j'avais longé il y a deux jours avec Benoît (de passage au carbet), sans succès à ce moment-là.

Rien sur la plage, je suis entre la déception de ne pas revoir de tortues et surtout celle de ne pas avoir dormi plus !!

Mais à 200 mètres de la fin de la baie, un attroupement de personnes me redonne le sourire, en train de creuser, elle est là...


... avec 25 personnes autour que j'arrive à cacher sur les photos XD



Direction ensuite Montabo, j'y rejoins Anne Sophie, je l'ai rencontré sur la plage d'Awala avec son copain Pierre. Ils vivent en colocation avec 3 autres "métros"

Les "métros" si je devais en définir le profil type, je dirai :

- De métropole (d'où le nom)
- La trentaine
- Ici pour quelques mois ou années maxi
- Bossant dans le public (prof, médecins...)
- Venu ici pour une expérience, le cadre de vie plus tranquille et mieux rémunéré, 40% de plus sur la fiche de paye.

C'est ceux avec qui je partage le plus et desquels je me sens le plus proche, en effet, des trentenaires sans enfants, un peu aventureux, ne sachant pas où ils seront dans trois ans forcément, ça crée des liens...

Cayenne

      Je laisse mon sac à dos chez eux et pars visiter la petite ville de 60 000 habitants.

Le moins que l'on puisse dire est que c'est petit, qu'il n'y a pas foule et on en fait vite le tour.

Le marché est lui, animé, il y a de beaux petits point de vue sur les pointes rocheuses et les façades des maisons créoles sont intéressantes architecturalement. Pour le musée de la culture guyanaise, il faudra repasser, il ferme à 13h, pire qu'au Surinam finalement...




En fin d'aprem, on marche sur la côte avec Anne Sophie et retournons à la coloc, au menu : lasagnes veggies !


Kourou



      Le lendemain, retour à Kourou, une petite sieste et direction le pôle culturel où nous attendent les bus en direction des différents autres lieux d'observation.

Je recroise Bastien avec qui j'étais à Cacao mais nous avons une destination différente...

Une heure de bus plus tard, nous sommes 400 personnes réparties dans 8 bus seulement pour ce site (il y en a trois ou quatre je crois).

Et là, c'est le drame, on nous annonce non pas que le décollage est annulé, mais que notre site, pour des raisons de sécurité, à cause de la direction du vent, ne pourra pas nous accueillir. Retour à Kourou sachant que le décollage est dans 40 minutes, nous le verrons du bus...

Grosse frustration, le ciel était tout juste parfait, le couché de soleil magnifique et beaucoup me diront plus tard que c'était un des plus beaux décollages qu'ils ont vu...


Vidéo de Mickaël (mon voisin de bus)

D'un ami à lui resté à Kourou

Et enfin la vidéo de Solenne du point d'observation Jupiter (Je parle d'elle un peu plus loin...)

Les îles du salut



      C'est à une quinzaine de kilomètres au large de Kourou que se trouve l'archipel de trois îles. Premier bagne de Guyane, il reçut les prisonniers durant moins d'un siècle (du milieu 19ème jusqu'au milieu 20ème)



J'intègre un groupe, la visite est intéressante et le guide, bien calé niveau dates, retrace toute l'histoire du bagne par rapport à l'histoire de France avant de nous amener sur les vertiges.






Vers 12h30, la visite se termine, avant de reprendre le bateau, je déambule sur l'île profitant des merveilleux panoramas qu'elle propose...




L'enfer au paradis en quelque sorte...

De retour à Kourou, on est le 21 juin, c'est la fête de la musique. Je cherche tant bien que mal de trouver des animations, il est peut-être encore tôt (ou pas... 20h45) trois bars ouverts, deux pauvres mecs avec une guitare chacun... ça vend pas du rêve, je rentre vite...

Centre spatial 

      À Kourou toujours, c'est cette fois le centre spatial vers lequel je marche faisant du stop (oui, ici en Guyane, il n'y a pas de bus publics... Si je fais du stop ce n'est pas seulement pour économiser de l'argent mais bien car je n'ai pas trop le choix...).


Nous sommes une trentaine à monter dans le bus pour faire la visite du centre. Les lanceurs Ariane, Soyuz et Vega font de Kourou le premier "envoyeur" spatial au monde (la situation géographique du lieu aidant pas mal aussi). La visite est du même type que lorsqu'on visite une entreprise, on parle de clients, de rentabilité, d'impact environnemental et de prix. Pour donner une idée, c'est environ 20 000 euros pour envoyer 1 kilo dans l'espace. Le plus gros des deux satellites envoyé il y a 3 jours faisait 6.4 tonnes soit un colissimo de 130 millions d'euros !


Nous visitons le pas de tir de Soyuz, celui d'Ariane est en nettoyage et pas accessible (visiblement, Ariane ne m'aime pas beaucoup...). Enfin, les salles de lancement, c'est comme à la télé...



Un petit mot sur Ariane 6 qui devrait prendre du service dans moins d'un an. Les principaux objectifs sont de réduire le coût du fameux kilo à 20 000 euros et de baisser le temps de production (1 mois et demi pour fabriquer une Ariane 5)

Pour cela, les réacteurs, plus petits, seront fabriqués à plus grande échelle et également utilisés pour les lanceurs Vega. La fusée sera également montée horizontalement pour ne pas avoir à climatiser des hangars de 60 mètres de haut et avec cette orientation, un plus grand nombre d'équipes pourront travailler au même moment.

Au final, un kilo envoyé pour seulement 10 000 euros et une fusée fabriqué en 2 semaines !

Sorti du bus, j'enchaîne avec la visite du musée. On m'a prévenu qu'il été petit et plutôt naze. De ce mauvais à priori, je suis agréablement surpris. Effectivement c'est pas la cité de l'espace de Toulouse mais le musée, plus orienté "satellites" retrace toute l'histoire des lanceurs et de leurs utilités...

Cayenne

      Toujours en stop, une nouvelle fois à Cayenne, je m'arrête chez Solenne, Nico et leur petite Leonie, 3 ans, rencontrés via Warmshower (application similaire à Couchsurfing mais orientée voyageurs à vélo)

Ils ont beaucoup pédalé en Europe, partageons nos expériences, des galettes et des crêpes (car oui, il ne faut pas oublier que c'est là France ici !!)

Cayenne - St Georges

      Comme pour me faire me questionner sur une énième possibilité de futur, c'est David qui me récupère entre deux averses sur le bord de la route. Il habite en France métropole et à été envoyé 5 mois à St Georges pour réaliser un chantier. Ils sont 4, un conducteur de travaux, un chef de chantier (lui) et deux intérimaires. Logé par la boîte, David est finalement le seul qui me paraît réellement heureux de cette expérience à 8 000 kms de l'hexagone même si je comprends les inconvénients évidents d'un profil "classique" de cette expatriation éphémère...

En conclusion, c'est une très bonne surprise que cette petite virée en terre guyanaise, la diversité des paysages, des gens... il y a quelque chose d'attachant ici...


Toutes les photos au lien suivant :



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