12 mai 2017

Amérique du Sud #11 De Junin à Mendoza (Argentine)



« Tu verras, sur un millier de kilomètres au sud de Mendoza, il n'y a rien... Passe plutôt au Chili ! »

Je ne me souviens plus qui m'a dit ça plus tôt dans le voyage, certainement une de ces trop nombreuses personnes qui parlent de lieux sans jamais y avoir foutu les pieds...

Junin / Zapala

     Bon là d'accord, le gars avait raison. Je retrouve très vite l'immense pampa, plane et desséchée par le vent.


L'arrivé aux abords de Zapala se fait à la tombée du jour, j'aperçois un petit-bois à quelques centaines de mettre d'un chemin partant de la route. Arrivé au bout, c'est une ferme. Je tombe sur un employé à cheval à qui je demande l'hospitalité.

- Pour moi il n'y a pas de problème, mais je ne suis pas le propriétaire, laisse moi l'appeler. La propriétaire (ou du moins pour l'heure) est Guadalupe, maman de deux enfants, Carla et Benjamin, elle est revenu vivre dans la ferme de son père pour un temps.

Elle arrive sur les environs de 21h, vient me chercher dans ma tente et m'invite chez elle. Au dessert : crumble et crêpes, deux desserts que j'ai coutume de faire chez mes hôtes ! Le lendemain au repos, je propose à Guadalupe de tondre le gazon en « échange » d'une journée de plus. On ira également en ville voir Mara, une copine à elle, le soir, c'est son cousin qui est de passage...


Las Lajas,

     Un vent terrible de face me fait passer une journée affreuse. Au fond d'une vallée, le vent décuplé m'empêche complètement d'avancer. Je fais la technique de la tortue en attendant une accalmie.
Ce que j'appelle la technique de la tortue, c'est de couvrir sur vélo avec mon corps et attendre. 5 minutes à se prendre du sable dans le coup, à travers les aérations du casque, à manquer de vautrer deux ou trois fois... Plan B, j'abandonne le vélo sur le bord de la route et me réfugie sous un pont (technique un peu lâche, c'est vrai...). Voyant que le vent ne se calme toujours pas, Plan C, je ressors de sous le pont et entreprends héroïquement de pousser mon vélo à travers la tempête en espérant que quelques centaine de mètres plus loin, sur l'autre versant, ce soit plus calme. Technique gagnante mais le vent n'en reste pas moins bien fort.

Après l'effort, le réconfort, je me permets de manger tout une poche (tout un sac) de croissants sucrés donnée par une boulangerie le matin même à Zapala.

Si je me suis lancé aujourd'hui malgré les prévisions de vent désastreuses, c'est pour rejoindre la ferme de Cecilia et Carlos, deux amis de Guadelupe chez qui je pourrais planter la tente.

Ce n'est que le lendemain que je les rencontre, ils ont une ferme de plus de 700 vaches. Je profite de la matinée pour la visiter ainsi que leur future maison encore en construction, toute en pierre.

Chos Malal / Malargüe

     Chos Malal est le point où ça commence à devenir intéressant, depuis quelques centaines de kms, les paysages se sont vallonnés, la ville apparaît comme un oasis. Les montagnes en fond, la rivière, les flamands roses... À noter que Chos Malal se trouve à la moitié de la route 40 au kilomètre 2623 sur les 5246 qui m'amèneront, un jour, tout au nord du pays...


Je reprends la route le lendemain, après une longue montée pour sortir de la vallée, je fais la connaissance de « Vent d'Est » jusque-là jamais réellement rencontré, forcément, quand on se le prend dans la tronche, on ne peut plus l'ignorer... Il reste cependant discret et je ne le maudis pas réellement.

Route 40 Km 2680 (soit 600 exactement avant l'arrivée à Lujan de Cuyo qui se trouve au km 3280)

Il est 17h30, le soleil commence à se coucher, je crève une énième fois... Un motard s'arrête :
- T'inquiète pas, tu n'es qu'à 30 kms du prochain village.
- T'es bien gentil mais j'ai pas de moteur sur mon vélo et vu le profil de la route, j'en ai pour 3 heures !

Je ne pense pas y avoir répondu aussi sèchement, mais j'étais un peu énervé quand même !

L'idée : revenir un peu en arrière où je me souviens avoir vu un panneau « ferme » à moitié défraîchi.

J'arrive à la ferme du défunt père de Benedicto où se sont réunis la famille pour le weekend du 1er mai. Car les Argentins non plus ne travaillent pas au jour du travail !

- Reste avec nous, demain on fait un barbecue.

Rendez-vous pris, je passe donc la soirée et le lendemain avec Saoul, Vanina, Julio, Martina, Jasmin, Dylan... et j'en oublie. On mange un succulent bout de mouton cuit comme ça :


Nous nous quittons le soir, les sacoches une nouvelle fois remplies de bonnes rencontres...

Les jours suivant se fonts sous un soleil puissant malgré des nuits bien fraîches qui iront parfois à me laisser une pellicule de gel sur la tente au petit matin. Buta ranquil, Barrancas, je crève encore une fois et n'ai désormais plus de chambre à air de rechange pour les 200 prochains kilomètres me donnant l'impression d'avoir une épée de damocles sur la tête... La route est splendide, je pédale entre des volcans et les montagnes saupoudrés de neige et découvre, au détour de l'un deux, chaque 30 minutes ou une heure, un nouveau spectacle, le tout, sans aucun touriste !



Puis c'est la piste de 45 kms, je n'ai donc pas de chambre à air de rab, je sais ma jante arrière fissurée sur une quinzaine de centimètres (et ce, depuis le Chili). Je ne suis pas très serein et commence à me faire à l'idée de faire un stop pour revenir à Chos Malal, ou pour avancer à Malargüe en cas de pépin. Cela ne m’empêche pas de profiter du cadre, encore plus authentique sur une piste mais qui me font parfois bien péter des câbles quand, de l'extrême gauche à l'extrême droite de la route, je n'ai le choix qu'entre de la route de merde ou bien, un chemin de merde...





Sortie de la piste, enfin ! Je ne devrais plus en revoir d'ici quelques mois quand 20 kms plus loin je repars pour 30 kms d'alternance route neuve bonne / piste bonne / piste pourrie et route qui paraît neuve mais déjà pourrie (oui c'est assez fréquent en Argentine, COLAS a de quoi faire ici...).

En fin d'après midi, je trouve la motivation de gravir un col de 2000 m durant 25 kms, avec un vent de face, le retour sur l'asphalte me donne des ailes!

Malargüe

     Arrivé de bonne heure, pas grand chose à faire : le tour des boulangeries, le tour des primeurs, je complète au supermarché. Débusque une nouvelle chambre à air (très difficile, même un samedi matin!), des nouvelles à la famille et je repars vers le nord ouest sans la moindre brise.

Je prévois d'avancer d'une trentaine de kilomètres jusqu'à un ruisseau où il serait possible de faire un camping sauvage. À une quinzaine de kilomètres, je ressens un coup de vent sur le côté droit, un coup de vent sur le côté gauche et BAM, un vent de face comme j'en ai rarement vu ! Sortie de nulle part, des bourrasques emportent le sable des alentours en plein dans ma tronche...

Action Réaction : Technique de la tortue ! 10 minutes plus tard, c'est toujours la tempête, plan B : revenir sur mes pas, chercher une ferme et attendre à l'abri.

Je me souviens de cet États-unien croisé un jour de grand vent de face sur la route 3. « 45 kms/h de moyenne » me disait-il alors que, dans l'autre direction, je peinais à arriver à 8 kms/h. Les lunettes visées sur le nez, les yeux plissés comme un Asiatique qui a mangé trop épicé, j'arrive à 50 kms/h sans pédaler. Je croise même un couple à moto arrêté sur le bord de la route.

Je trouve refuge dans une ferme dix kilomètres plus loin, ironie du sort, j'ai mangé juste devant une heure plus tôt. Je profite de ce repos forcé pour réaligner ma roue qui se voile de plus en plus, je n'utilise plus mon frein arrière depuis quelques jours (voire quelques centaines de kilomètres en fait...). Quand BOUM, un rayon pète, puis un second...

Impossible de la remettre suffisamment droite pour repartir, ni une ni deux, je pars en ville avec ma roue sous le bras, laissant mes sacoches en vrac et le vélo, pédales en l'air. Un peu stressé de devoir rester là jusqu'à lundi (on est samedi), je fais du stop un peu forcé, à la « Pékin Express » et me retrouve rapidement en ville. Je trouve les deux rayons au même magasin qui m'a vendu la chambre à air le matin même. Ne disposant pas d'atelier mais d'un grand cœur, ils appellent quelques ateliers de vélo, sans succès, ils sont fermés, puis m'emmène en camionnette chez Omar, sauvé, un mec qui bosse un samedi !

Il regarde la roue :
- T'es tombé ?
- Non
- T'es sur ?
- Les vélo est tombé à cause du vent quand je me cachais du soleil pour manger mais pas plus.

Septique, on comprend plus tard que ma fissure de 15 cm s'est propagée sur plus des trois quart de la circonférence de la jante... C'est ce qui explique que les rayons aient cassé si rapidement lorsque j'ai essayé de les tendre. Mon cercle est tellement mal en point, qu'on est obligé de sortir tous les rayons, redresser la jante puis remettre les rayons avant de les tendre à nouveau.

Vraiment fatiguée...


2 bonnes heures de travail, en buvant le maté, j'y donne un coup de main sachant que je serai amené à refaire la même chose dans quelques mois et c'est de nuit qu'on se sépare promettant de lui donner des nouvelles de mon arrivée sans encombre à Mendoza... ou pas...

« Pékin Express » version 2, de nuit cette fois, direction la station service, je demande à chacune des voitures sa direction, montrant ma roue et espérant retrouver l'autre partie de mon vélo rapidement ! Technique une nouvelle fois payante, j'arrive à la ferme accueilli par le gardien de nuit. J'ai même le luxe de prendre une douche, j'en profite pour laver mon linge et dors dans une sorte de petite pièce / appartement qui, n'a pas été ouverte depuis très longtemps, mon linge, qui y a séché, s'en souvient encore ! Je ne vais pas me plaindre, pas de vent, tout propre, je repars le lendemain, motivé comme jamais !

Avec le jour, le vent repointe le bout de son nez, dans une mesure supportable et motivé par le fait que 30 kms plus loins, un détour de la ruta 40 me le rendra favorable pour 80 kms sur une route en faux-plat descendant.

Voyant le dernier virage en forme de grande épingle à cheveux, sentant toujours le vent de face, tout heureux, je pense :
Lancement de la fusée dans 10... 9... 8... 7... 6... 5... 4... 3... 2... 1... PCHIIIII !

Et là, c'est les vacances pendant 8 kms... Non, pas de faute de frappe, pas 80 kms comme je pensais, mais bien 8 kms ! Le vent tourne de l'ouest au nord puis de face d'est ! La poisse !

Je m'arrête sur le bord de la route, mange un bout et repars quand je m'aperçois que j'ai crevé (oui, j'arrête de compter désormais). En cause, des petits bouts de branches farcis d'épines de la taille et d'apparence de cures dents se trouvaient, je ne sais pas pourquoi, au pied de l'arbre où j'ai mangé. J'utilise ma chambre à air achetée la veille (et dire que vu le peu de kms me restant à faire, j'ai failli ne pas en racheter ! Plus prévoyant que radin pour le coup !) et repars avec mon vent dans la tronche... Même s'il n'est pas fort, il me fait descendre à 12 kms/h de moyenne mais dans une région où le vent dominant est d'Ouest, que je me le suis bien tapé d'ouest toute la matinée, psychologiquement, il fait mal.

La route est ennuyeuse, je suis frustré, je cherche rapidement une ferme pour demander l'hospitalité. Les propriétés sont très grandes, réduisant le nombre de possibilités à très (très) peu. On est dimanche, les deux seules fermes que je trouve sur une trentaine de kilomètres sont désertes. Il n'y a aucun tunnel qui ne passent sous la route pour m'y abriter et vu le vent, je préfère éviter de planter ma tente dont les arceaux sont bien abîmés, n'importe où. Je roule jusqu'à la tombée de la nuit quand un gros nuage bien noir me fonce dessus... De la grêle... Coup de chance (enfin ???!!!) à moins d'un kilomètre une nouvelle ferme !

Dans mon dos... J'ai raté le vent et la vue...


Après quelques « Outch !» « Ail ! » « Putin ! » Résultant du choc de la glace sur ma peau, j'arrive à l'entrée de la ferme, pose le vélo, quelques rapides « Hola !» et je me réfugie sous un petit abris où sont entreposés quelques outils.

Guillermo, ne m'a pas entendu rentrer mais vient rapidement à ma rencontre. Il travaille ici et me propose de planter ma tente à l'abri. Il reste cordial mais assez distant, je fais ma petite soirée dans mon coin et reprends la route le lendemain.

Canyon del Atuel

     C'est un vent cette fois favorable qui m'amène jusqu'à El Nihuil, départ du Canyon del Atuel, raison de mon détour de la route 40. La route se transforme en piste, c'était pas prévu ça non plus et retrouve mon petit diable sur mon épaule gauche « ton vélo est trop chargé, ta jante va se casser ! » en plus de « t'as plus de chambre à air de rechange !» MOUHAHAHA ! ... La route est magnifique même si les 4 centrales hydrauliques qui longent le ruisseau ont fait pousser de trop nombreux poteaux électriques.






        Le deuxième jour se passe sous les nuages, un faux plat descendant m'amène jusqu'à San Rafael où je plante ma tente, sur un gros rond point avec des arbres et des tables à l'entrée de la ville.

San Rafael / Lujan de Cuyo

      La nuit a été très mauvaise, les chiens errants ont aboyé jusqu'à 2 ou 3h du matin, de plus, mon « arrivé », le travail, me font également pas mal cogiter... Bien que n'aillant pas beaucoup dormis, je profite d'un faux plat descendant sur une bonne partie de la journée pour faire 145 kms (« record » de ce voyage en une journée).
J'arrive à la tombée de la nuit à Tunuyan, mon application de camping sauvage m'indique une sorte de refuge qui n'en n'est pas un, c'est en fait une salle polyvalente. Daniel, le gardien de nuit, m'autorise à dormir ici et m'offre même un lit dans les dortoirs et une douche...

Le dernier jour, c'est longeant des lignes droites bordées de platanes et de vignes que j'arrive à destination de Lujan des Cuyo.


Un petit bout de France...

Je retire les sacoches, pose mon vélo une dernière fois. Je ne réalise pas vraiment que je quitte cette vie de nomade pour retourner à une vie de sédentaire pour un très long moment...

En attendant le début de la saison à l'hôtel, c'est de l'autre côté de la cordillère des Andes, chez Charlotte et Gaby que je trouve refuge. Ils m'avaient pris en stop 2000 kms plus tôt sur la carretera austral proposant de les rejoindre quand je serai dans les environs de Valparaíso...



8300 kms




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